L’impacte de la baisse des taux.

Depuis quelques semaines, on peut lire ici et là que les compagnies d’assurance françaises seraient en danger du fait de la baisse des taux, impactant très significativement leurs activités. Depuis, ce sont succédées les annonces de recapitalisation de Suravenir et les baisses importantes des taux de rendement sur les fonds en euros de plusieurs compagnies (Swisslife, Generali…).

Pourquoi la baisse de taux impacte les compagnies d’assurance ?

Il faut d’abord comprendre que le problème de la baisse des taux ne concerne pas tout le monde de la même façon. Ce sont surtout les assureurs positionnés sur le secteur de la prévoyance/retraite qui sont impactés par ce phénomène. En effet, ils ont des obligations de verser des rentes à taux (positifs) garantis, là ou leurs capitaux « travaillent » actuellement à taux négatifs.

Ce grand écart entre une rémunération servie à leurs clients par exemple de 2% et le rendement des placements de la compagnie, par exemple de -0,10% créé évidemment un problème de marge et de soutenabilité.

Du côté des assureurs vie, le problème vient surtout de la performance des fonds en euros. Véritable rente du secteur de l’épargne et de l’assurance depuis plusieurs années, c’est toute une industrie habituée à servir à leurs clients des rendements séduisants dans un contexte garanti qui doit réinventer son modèle de distribution. En effet, ces fonds en euros, principalement constitués d’obligations d’emprunt d’état, ne rapportent quasiment plus rien, tandis que certaines compagnies continuent à prélever des frais de gestion qui vont bientôt devenir supérieurs au montant des intérêts servis par le contrat.

Les compagnies d’assurance sont-elles en danger ?

Répondre à cette question de manière objective est impossible en faisant une généralité sur le secteur de l’assurance. En effet, ce secteur regroupe des activités tellement différentes (une compagnie spécialisée sur l’assurance des chiens et chats ne peut pas être comparée à un assureur spécialisé sur le secteur de l’épargne) que regrouper tous les acteurs dans un même groupe n’a pas beaucoup de sens.

Toutefois, ce qui est sûr, c’est que suite aux crises qui ont frappées le monde financier et celui des assurances, le régulateur a mis en place une série de mesures qui visent à sécuriser le secteur de l’assurance en obligeant ces sociétés à un certain nombre de contraintes et à transmettre une information transparente à leurs autorités de tutelle ainsi qu’au public. L’ensemble de ces mesures est aujourd’hui défini par une réglementation du nom de Solvabilité 2 (ou Solvency 2 en anglais).

Comprendre Solvabilité 2

En place depuis janvier 2016, Solvabilité 2 repose sur 3 piliers. L’un concerne des règles de gouvernance, c’est-à-dire des règles à suivre concernant le pilotage de l’activité de l’entreprise, un autre détermine et impose de la transparence et de la communication, standardisée, de l’assureur au régulateur et au public.

Mais celui qui va le plus nous intéresser dans le cadre de cet article c’est le Pilier 1, qui fixe des exigences minimums en matière de fonds propres visant à protéger l’ensemble des parties prenantes (clients, actionnaires, créanciers…) d’une faillite de la compagnie d’assurance qui serait liée à des activités trop risquées.

En effet, comme toute entreprise, l’entreprise d’assurance prend certains risques en exerçant son métier. D’abord l’assureur prend des risques avec les produits qu’il commercialise. Par exemple dans le cas des contrats retraite, la compagnie d’assurance pourrait être mise en difficulté si les assurés vivaient beaucoup plus longtemps que ce que les actuaires avaient supposés dans leurs tables de mortalité. C’est vrai pour toutes les activités des assureurs (excepté l’assurance vie) ou les profits et la viabilité de la compagnie d’assurance tient sur l’écart entre les primes encaissées et les indemnisations à verser. Et cela repose essentiellement sur la capacité des compagnies à anticiper avec précisions les risques.

Mais il y a aussi les risques que prend l’assureur avec ses placements. Par exemple, lorsqu’une compagnie d’assurance achète des obligations, elle prend le risque de constater un ou plusieurs cas de défaut et de ne pas percevoir ses coupons voir de perdre tout ou partie du capital prêté. La compagnie d’assurance prend également des risques lorsqu’elle investit sur des marchés d’actions ou dans l’immobilier. Elle peut faire face à une baisse importante du cours de bourse ou une à crise de liquidités avec d’un côté des demandes de retraits massifs et de l’autre des actifs immobiliers difficiles à céder dans de bonnes conditions.

Concrètement les risques qui doivent être couverts par des fonds propres suffisamment élevés sont les suivants :

  • Risque de souscription
  • Risque de marché
  • Risque de taux
  • Risque de liquidité et de trésorerie
  • Risques opérationnels
  • Risque Macroéconomique
  • Risque réglementaire
  • Risque d’inflation

Pour protéger l’assureur de ces risques, Solvabilité 2 a donc imposé deux contraintes de détention de capitaux propres nommées MCR et SCR :

  1. Le MCR (Minimum Capital Requirement) détermine le montant minimum qu’il faut avoir en fonds propres. Si une compagnie d’assurance enfonce son plancher de MCR ; elle perd le droit d’exercer.
  2. Le SCR correspond au calcul du montant qu’il faudrait pour couvrir un risque extrême et éviter que l’assureur ne face faillite.

Le SCR a pour objectif de mesurer l’ensemble de ces risques extrêmes de manière combinée et de calculer le montant du capital minimal dont a besoin l’entreprise d’assurance pour limiter la probabilité de faillite par la couverture de 99,5% des risques courus. Statiquement, ce risque ne pourrait se présenter que tous les 200 ans.

De manière très simple, ce risque est couvert par un montant équivalent de fonds propres éligibles.

Ces deux informations sont souvent mentionnées en pourcentage par les compagnies. Par exemple, quand Generali indique que son ratio de solvabilité est de 221% cela veut dire que compte tenu de ses activités, le régulateur impose à la compagnie de détenir au moins 3.415M€ de fonds propres pour couvrir son SCR ; la compagnie en affiche 7.541M€. Le rapport entre 7.541 et 3.415 donne 221%

Vous trouverez ci-dessous les ratios de solvabilité des principales compagnies françaises avec lesquels nous travaillons (au 31/12/2018) : 

Notes : Les chiffres sont communiqués une fois par an par les assureurs et il est intéressant de noter que malgré des ratios affichés très corrects, Suravenir a dû être recapitalisé à hauteur de 540M€ en 2019 suite au passage des taux en territoire négatif durant l’été de la même année. Aujourd’hui plusieurs assureurs demandent à revoir les règles de Solvabilité 2 en indiquant que le régulateur serait aller trop loin, sans pouvoir imaginer à l’époque de la rédaction du cadre réglementaire, cette hypothèse de taux négatifs durable que nous vivons aujourd’hui.

Faut-il continuer à investir en assurance vie ?

Sécurité financière des compagnies

Il ne faut donc pas confondre les fonds propres de la compagnie avec les actifs représentatifs des contrats. Les compagnies françaises sont extrêmement solides. Elles ont passé la crise financière de 2007-2008 avec peu de difficultés grâce à ce haut niveau d’exigence.

Toutefois, compte tenu des éléments évoqués ci avant, il est probable que d’autres assureurs devront être recapitalisés en début d’année pour faire face à la baisse de taux et respecter les contraintes réglementaires.

Il est par ailleurs acquis, que le rendement de la plupart des fonds en Euro affichera une forte baisse de sa rentabilité par rapport à 2018.

C’est normal, prévisible, et pas de nature à remettre en cause l’intérêt que portent les investisseurs à l’assurance vie.

Faut-il encore investir sur le fonds en euros ou doit on investir en UC ?

Il convient d’abord de distinguer plusieurs sujets, à commencer par celui des fonds en euros et des supports appelés UC pour unités de comptes (tout ce qui n’est pas du fonds en euros).

Concernant les fonds euros, les compagnies cantonnent les actifs permettant de servir le rendement et de garantir la liquidité. Ces fonds sont, pour la plupart, essentiellement constitués d’obligations d’emprunt d’état. Leurs rémunérations va continuer à baisser de manière certaine durant les prochaines années.

Les alternatives : investir sur des fonds en euros innovants comme Sécurité Pierre Euro, Euro Allocation Long Terme, ou encore Target par exemple. Problème ; les enveloppes et les proportions d’investissement sont limitées. Il faudra donc nécessairement compléter votre investissement avec des supports non garantis pour accéder aux meilleurs fonds en euros.

Concernant les supports en UC ?

Concernant les actifs en UC, les compagnies françaises s’engagent à détenir les parts d’OPC représentatifs des UC. Ces actifs sont déposés au sein d’un établissement bancaire sur des comptes ségrégés différents des comptes titres de la compagnie. Les compagnies transmettent tous les mois le rapprochement à l’ACPR pour s’assurer de la présence de ces parts d’OPCVM.

Conclusion

Il y a fonds en euros et fonds en euros. Si la belle époque ou l’on pouvait investir et « s’enrichir en dormant » avec ce type de support est terminée, il n’en reste pas moins qu’il y a encore aujourd’hui des fonds en euros capables de générer des rendements supérieurs à 3%. Mais il faut être très sélectif et encore plus sur la partie UC afin de construire un portefeuille d’investissement conforme aux objectifs des investisseurs et à leurs profils de risque.

Les alternatives à l’assurance vie

L’une des solutions à envisager pour éviter l’assurance vie, c’est la souscription de contrats d’assurance vie… de droit luxembourgeois. Ces contrats disposent de ce que l’on appelle le triangle de sécurité et du « Super Privilège ».

Le triangle de sécurité assure la séparation légale et physique entre d’une part les avoirs de la compagnie (contenant les actifs des actionnaires et autres créanciers) et d’autre part, les avoirs des souscripteurs qui vont être isolés sur un compte bancaire d’un établissement approuvé par le Commissariat aux Assurances. Les fonds de l’investisseurs ne sont donc pas logés dans les comptes de la compagnie d’assurance.

Par ailleurs, le dispositif du « Super Privilège » met en premier rang des créanciers de la compagnie les souscripteurs (devant l’Etat et tout autre organisme).

Investir en compte de titres

Depuis la mise en place de la « flat taxe », le compte titres ordinaire a retrouvé des couleurs, pas en termes de transmission mais en termes d’imposition sur les revenus et plus-values. Par ailleurs, il supporte une structure de frais plus légère que l’assurance vie et permet encore un accès à un choix généralement beaucoup plus large de supports d’investissement.

Enfin, il existe un fonds de garantie alimenté par les assureurs qui protège un souscripteur à hauteur de 70.000€ par assureur (tous contrats confondus). Ce montant est de 100.000€ en matière de placement bancaire.

Pour conclure :

Baisse des rendements des fonds euros, recapitalisations à venir de certaines compagnies, l’heure est venue pour le secteur de se réinventer. Certains sont assez en avance et propose depuis plusieurs années des alternatives innovantes à l’assurance vie « classique ».

Fonds en Euros Immobilier, renouveau du fonds euro croissance, ou encore private equity sont autant d’opportunités à saisir par les assureurs pour revoir leurs modèles. Les investisseurs eux devront être encore plus sélectif au moment de souscrire ou de verser sur leur contrat d’assurance vie. Le rôle du Conseil apporté par le conseiller en gestion de patrimoine, le courtier, ou le banquier privé sera également encore plus stratégique qu’il ne l’était déjà jusque-là.

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Sources : 

Farnault Investissement.

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