Dans le cadre d’un achat immobilier par des époux avec conclusion d’un pacte tontinier, un aléa doit exister sur l’ordre des décès pour que l’opération ne soit pas requalifiée en donation déguisée.
Assez méconnue du grand public, la tontine consiste, le plus souvent, pour des conjoints à acheter un bien immobilier en convenant que seul le survivant d’entre eux sera considéré comme ayant toujours été le seul propriétaire du logement. L’intérêt de cette clause est évidement d’assurer la propriété du logement au conjoint survivant et, de fait, son maintien dans les lieux. Sachant que les héritiers du défunt n’auront, en principe, aucun droit sur le bien. Une clause qui peut paraître intéressante mais qu’il convient de manier avec précaution, comme le montre une récente décision du Comité de l’abus de droit fiscal.
Dans cette affaire, un couple marié sous le régime de la séparation de biens avait, en mai 2013, acquis ensemble un appartement ainsi que les biens mobiliers le garnissant. L’acte notarié contenait une clause de tontine prévoyant que le premier mourant d’entre eux serait considéré comme n’ayant jamais eu la propriété du bien, laquelle serait censée avoir toujours reposé sur la seule tête du conjoint survivant. En juin 2013, le mari décède et son épouse était devenue, par l’effet de la clause, l’unique propriétaire de l’appartement de manière rétroactive.
À l’issue d’un contrôle fiscal, l’administration avait adressé à la veuve une proposition de rectification (soumission aux droits de mutation à titre gratuit et application d’une majoration de 80 %) en soutenant que la clause de tontine était dépourvue d’aléa et avait en réalité pour objectif de dissimuler une donation entre époux. En outre, l’administration avait mis en œuvre une procédure d’abus de droit.
Saisi du litige, le Comité de l’abus de droit fiscal a relevé que l’emprunt contracté par les époux pour le financement de l’opération immobilière avait été remboursé par anticipation en juillet 2013 grâce à des fonds issus d’une cession de biens immobiliers appartenant en propre à l’un des époux. Ce dernier se privant de toute espérance de gain. Le pacte tontinier était ainsi dépourvu d’aléa économique.
En outre, le Comité a déduit, grâce à un faisceau d’indices, que l’état de santé de l’époux s’était fortement dégradé au moment de la signature de l’acte notarié en mai 2013. Le prédécès de l’époux était donc probable et ne constituait pas pour les parties un évènement aléatoire. Ainsi, le pacte tontinier était entaché de simulation et caractérisait une donation déguisée de biens présents à terme, soumise aux droits de mutation à titre gratuit. Le Comité a donc estimé que, compte tenu de tous ces éléments, l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal et à appliquer une majoration de 80 %.